Comme chaque trimestre, les travaux de Jacques Friggit et de son équipe au CGEDD sont mis à jour avec les dernières données officielles sur les prix des logements en France, sur l’évolution des revenus disponibles des ménages, etc. Retrouvez donc la mise à jour de septembre 2015 des principaux graphiques qui ont retenu notre attention avec nos commentaires et nos interprétations.

Si l’immense bulle immobilière semble ne se dégonfler que lentement, c’est sans tenir compte de l’évolution en parallèle des conditions de financement. En intégrant ces dernières, par exemple en se basant sur l’évolution de la durée d’emprunt pour l’achat d’un même logement et avec le même taux d’effort, on constate que la bulle est bel et bien en train d’exploser rapidement.

Mise à jour : découvrez les courbes de Friggit en 2023.

Une correction des prix qui se prolonge

En retraçant l’évolution des prix des logements par rapport aux revenus, Jacques Friggit s’est rendu compte que ce ratio restait globalement dans un tunnel entre 1965 et 2003 compris entre 0.9 et 1.1 par rapport à une référence de 1.0 en 1965 :

Courbes et tunnel de Jacques Friggit pour la France en septembre 2015

Ce graphique provient des travaux de Jacques Friggit.

C’est seulement à partir de 2003 que ce ratio est fortement sorti de ce tunnel et de cette tendance longue. Il est depuis en lévitation à des niveaux très élevés et cela malgré les baisses survenues sur ces 4 dernières années.

Vous avez du mal à acheter un bien immobilier avec vos seuls revenus ? C’est normal c’est le cas de beaucoup de ménage en France. Les prix restent à des niveaux disproportionnés par rapport aux revenus disponibles de ceux qui habitent en France. Nous verrons ci-dessous qu’il faut nuancer cet aspect « prix en lévitation » en prenant en compte l’évolution des taux des crédits immobiliers et des conditions de financement. Les changements en cours sont bien plus importants que ce premier graphique ne le laisse augurer. Cela provient du fait que la situation actuelle exceptionnelle sur les taux est loin des conditions historiques de financement du passé.

En analysant séparément l’évolution de ce ratio « prix des logements/revenus » pour Paris, l’Ile-de-France et la Province, on peut voir que c’est surtout à Paris que les prix restent à des sommets malgré un net recul depuis le pic de 2011 :

Suivi de l'évolution des prix de l'immobilier par rapport aux revenus différencié pour Paris, l'Ile-de-France et la Province

Ce graphique provient des travaux de Jacques Friggit.

En Province, on est revenu à un niveau similaire à celui de 2005, plus bas que le trou d’air de 2009 en pleine panique financière. Et pourtant les conditions d’emprunt sont bien plus avantageuses aujourd’hui.

Les loyers n’augmentent plus par rapport aux revenus

L’achat immobilier était devenu très à la mode dans les années 2000, tous ceux qui en avaient les moyens ou presque sont devenus propriétaires. Les loyers ont malgré tout augmenté plus vite que les revenus depuis le début des années 2000. Certes, leur hausse n’a rien à voir avec celle des prix des logements, mais comme le niveau de vie des locataires est moins élevé, l’effort pour se loger n’en est que plus important :

Parallèle entre l'évolution des prix des logements et des revenus toujours rapportés aux revenus des Français en septembre 2015

Ce graphique provient des travaux de Jacques Friggit.

Cette hausse semble néanmoins marquer le pas depuis quelques trimestres. Les derniers chiffres communiqués laissent même entrevoir des possibilités d’inversion de tendance. En effet, les prix des loyers baissent de 1.4 % en 2015 en France.

Des taux nominaux au plus bas, mais pas le taux net d’inflation

Au mois de juin 2015 on a enregistré le niveau le plus bas jamais atteint pour le taux moyen d’un crédit immobilier avec 1.99 % d’après les chiffres de l’Observatoire Crédit Logement CSA. Depuis, il est légèrement remonté (2.17 % sur les prêts d’août 2015). Vous pouvez suivre toute l’évolution des taux de prêt immobilier.

Malgré tout, si les taux pour des emprunts immobiliers sont aussi faibles c’est également parce que l’inflation est presque nulle. Du coup, si l’on retranche le niveau de l’inflation au taux nominal moyen on peut constater que le taux net d’inflation est remonté sur ces derniers trimestres :

Les taux des crédits immobiliers sont au plus bas mais pas le taux net d'inflation

Ce graphique provient des travaux de Jacques Friggit.

Quoi qu’il en soit, le niveau de ce taux net d’inflation reste très bas depuis 2003, période à partir de laquelle les dérèglements les plus importants ont été observés au niveau des prix de l’immobilier en France.

Cela fait qu’il sera très difficile de voir les prix revenir dans le tunnel de Friggit sur les prix des logements dans le passé d’avant le 21ème siècle. Et cela même si la situation s’est améliorée depuis le précédent point sur l’évolution des prix de l’immobilier sur le long terme avec la courbe de Friggit.

Le meilleur signe de l’explosion en cours de la gigantesque bulle immobilière : la durée nécessaire pour acheter un même logement chute de manière vertigineuse

Ce que l’on peut reprocher aux courbes qui ne prennent en compte que l’aspect prix par rapport aux revenus c’est de ne pas tenir compte de l’environnement financier du moment. En 2015, on fait un prêt immobilier à des taux moyens proche de 2 % contre plus de 5 % au début des années 2000. De quoi modifier la capacité des ménages à financer des achats de logements plus importants avec des revenus similaires.

Un autre graphique important issu des travaux publiés sur le site de la CGEDD est l’évolution de la durée nécessaire pour acheter un même logement en fonction des prix du moment, des revenus et en gardant un même taux d’effort (même part de revenus utilisée dans le financement, même apport, etc.). Avec la flambée des prix et malgré des taux plus attractifs qu’au début des années 2000, l’effort sur une durée de 15 ans en 2000 s’était transformé en un effort beaucoup plus important pouvant dépasser ponctuellement les 30 ans au plus fort de la bulle :

Évolution de la durée nécessaire à l'achat d'un même logement et avec un effort financier similaire

Ce graphique provient des travaux de Jacques Friggit.

On est passé d’un niveau proche de 33 ans en 2012 à 21.6 ans au 2ème trimestre 2015 par l’effet cumulé des baisses des taux et des baisses des prix. Le chemin est encore long pour retrouver un niveau proche des 15 ans obtenu en 2000, période où l’économie était beaucoup plus dynamique qu’aujourd’hui, mais les progrès récents sont très importants.

Et demain ?

En zone rurale et dans les petites villes peu dynamiques la bulle immobilière a déjà fortement explosé. Cela n’empêche pas qu’avec la désertification en cours de ces zones par manque d’emploi et le vieillissement de la population, il soit encore possible que les prix des logements baissent dans ces secteurs. Néanmoins, le plus fort de la folie sur les prix semble derrière nous pour ces secteurs géographiques-là.

Pour les villes de taille plus importante, les corrections en cours restent encore mesurées. De nombreux ajustements sont encore possibles et souhaitables pour que l’immobilier redevienne accessible par rapport aux revenus.

On peut voir par l’intermédiaire de ce dernier graphique qu’en cumulant la chute des taux avec les baisses de prix de ces dernières années, l’effort pour un achat immobilier s’est considérablement réduit. Seulement les taux d’emprunt peuvent encore évoluer :

  • Soit ils restent encore très bas pendant de nombreuses années. Ce scénario est possible tant il paraît difficile de faire supporter à des États toujours autant endettés de fortes hausses de taux de financement. Dans ce cas-là, les ajustements sur les prix à attendre seront moindres. Les tendances actuelles de corrections annuelles légères pourraient se poursuivre jusqu’à un point d’équilibre.
  • Soit les taux remontent à des niveaux plus élevés qu’actuellement. Dans ce scénario, les prix des logements n’auront d’autres choix que de s’adapter par de nouvelles baisses importantes. Les futurs acquéreurs auront alors des budgets de plus en plus réduits. Aujourd’hui, la forte baisse des taux sur ces dernières années est la seule chose qui empêche les prix de s’effondrer bien plus fortement.

Pour en savoir (beaucoup) plus sur l’état actuel du marché immobilier en France, télécharger notre guide de l'achat immobilier en 2023, c’est gratuit !